Ces dernières années, des cas de violences basées sur le genre, particulièrement de viol, sont régulièrement rapportés par la presse à travers la Guinée. Et pour les spécialistes, la limitation des déplacements imposée par la crise sanitaire du COVID-19 favorise le phénomène. Aujourd’hui, l’isolement peut en effet être un obstacle supplémentaire à la recherche et l’obtention d’aide pour les victimes, étant généralement confinées chez elles, parfois avec leurs bourreaux. Comme la pandémie du nouveau coronavirus, le phénomène de violences basées sur le genre est planétaire et affecte tout autant les pays riches que ceux en voie de développement.

Pour endiguer le phénomène qui détruit la vie de nombreuses filles ou femmes en empêchant leur autonomisation, des mesures doivent être prises pour sensibiliser davantage sur les attitudes à avoir après une agression sexuelle. Pour en parler, Génération qui ose est allée à la rencontre du médecin-légiste Dr Amadou Mouctar Diallo.

Génération qui ose : Que doivent faire les victimes de violences basées sur le genre pour faciliter le travail des médecins légistes et de la justice ?

Dr. Amadou Mouctar Diallo : Après une violence, la logique serait de faire une consultation rapide. Quant à la particularité du viol, il faut rappeler que toute la chaine pénale s’appesantit principalement sur trois éléments pour mettre en évidence le viol, afin qu’il y ait une sanction judicaire conséquente et efficiente. C’est l’élément matériel qui est le maillon fort de la chaîne pénale, pour qu’il y ait infraction d’un fait. Cet élément matériel, malheureusement, disparaît lorsqu‘un temps s’écoule. C’est pourquoi toute victime de viol est appelée à consulter dans les plus brefs délais un service médico-judicaire, s’il existe, à défaut un service médico-légal pour tierce raison.

  • La première serait de mettre en évidence des éléments matériels qui permettraient de faciliter la prise en charge du dossier.
  • Secundo, une assistance médicale qui est plus importante que la première. Parce que lorsque la victime est prise en charge très tôt, il y a une possibilité de prévenir les infections qui peuvent découler d’un viol. On sait que lorsqu’il y a viol, il n’y a pas de consentement, donc forcément il y a des légions. Que ce soit micro ou macro qui sont constatés au niveau de l’organisme, si la victime n’est pas prise en charge rapidement peut impliquer d’autres infections associées. Donc, nous conseillons que toute personne victime de viol consulte dans les plus brefs délais et de facto sans hygiène antérieure préalable. Que ce soit les toilettes intimes ou le lavage global corporel ou autre… Seulement une consultation le plutôt possible qui permettra au médecin de mettre en évidence, non seulement les légions, mais d’activer une possibilité des préventions sur les infections potentielles que la victime peut contracter lors du viol.

Comment les services de médecine légale sont-ils contactés ?

Dans le circuit normal, la médecine légale est contactée par la chaîne pénale.  Soit par les officiers de la police judiciaire (OPJ) ou par le tribunal en question. Mais il y a certaines victimes qui se rendent directement vers les services de médecine légale, soit parce qu’elles n’envisagent pas trop une procédure pénale ou elles ne pensent pas que cela impacterait lorsqu’elles engagent une procédure pénale. Donc, elles viennent vers nous. Nous recevons donc les victimes par les deux manières.

Lorsque ce sont les victimes elles-mêmes qui viennent vers les services de médecine légale, nous les enregistrons, nous les prenons en charge et par après nous les amenons vers un service judiciaire qui va repositionner le jalon pénal, afin de recevoir un rapport émanant du service de médecine légale.

Mais classiquement, les services de médecine légale reçoivent les victimes venant soit des officiers de police judiciaire (OPJ) ou des tribunaux.

Le fait pour la victime de contacter directement les services de médecine légale n’empiète-t-il pas la procédure judiciaire ?

Puisque les services de médecine légale sont assermentés, ils ont un travail classique et servent même de répertoire pour la chaîne pénale guinéenne. On a pu intégrer au sein de la chaîne pénale cette collaboration. Donc, de facto, quand ça vient des services de médecine légale, les OPJ ont confiance et prennent crédits de nos dires. De surcroît, nous partons toujours avec les éléments matériels de justification des faits que nous alléguons dans le rapport en question. Nous ne partons jamais dans un cadre discréditant le service, pour qu’il y ait toujours cette confiance. C’est pourquoi jusqu’à présent elles traitent de la même manière les victimes que nos services envoient vers eux que ceux émanant d’eux pour une éventuelle prise en charge dans la poursuite pénale.

Quels poids ont les rapports de médecine légale dans la décision d’un juge ?

Poids, je ne dirais pas, mais nous sommes un maillon de la chaîne pénale. Donc de facto, nous leur accordons du crédit, autant qu’ils le font pour nous. Si les conclusions médico-légales ne sont pas prises en compte au niveau de la chaîne judiciaire, nous avons le droit de demander le pourquoi, parce que, c’est soit ils n’ont plus intérêt à nous consulter, soit ils n’ont plus d’avantages à nous ‘fatiguer’. Donc, s’ils nous accordent du crédit, on leur accorde aussi du crédit. Comme il y a la complémentarité entre nous, nous allons vers eux, afin que nos constatations soient considérées dans la prise en charge de la procédure judiciaire.

Génération qui ose est une plateforme d’informations et de sensibilisation sur la santé de la reproduction des adolescents et des jeunes (SRAJ), de promotion de l’émancipation des femmes et de lutte contre les violences basées sur le genre. Ce projet est porté par l’Association des Blogueurs de Guinée (ABLOGUI) en partenariat avec le Fonds des Nations-Unies pour la population (UNFPA) et le ministère guinéen de la Jeunesse. Suivez-nous également sur les réseaux sociaux avec le hashtag #GquiOse.

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