Victime de mariage précoce et forcé, Rama vivra le restant de ses jours en situation de handicap !

Je suis Ramatoulaye, Rama pour les intimes ! Alors que je n’avais que 13 ans et élève en classe de 8e année dans mon village natal, mon père avait prévu de me donner en mariage. Moi, je n’étais pas au courant. Pendant que l’année scolaire poursuivait son cours normal, mon père m’a dit que je devais partir en ville chez mon oncle Mouctar pour terminer l’année scolaire et y rester pour espérer un avenir meilleur. Il m’a dit que la vie au village n’était pas la meilleure et qu’il fallait que j’aille voir le monde et vite réussir. Je n’ai vu aucun inconvénient à cela, j’étais même très heureuse à l’idée de savoir que je me rendrais en ville. Mais derrière cette proposition alléchante, se cachait une réalité que j’ignorais totalement.

Je ne savais pas que mon père avec la complicité de ma mère m’avaient donné en mariage, sans m’en avoir informée encore moins demander mon consentement. Un jeudi soir, je suis arrivé à Conakry toute joyeuse. Comme convenu, mon oncle est venu me récupérer à la gare routière. Après trois jours de repos, je m’impatiente de reprendre les cours à l’école. Malheureusement pour moi, ce jour-là mon mari que je ne connaissais de nulle part devait me récupérer pour m’envoyer chez lui ; comme un petit colis.

Il était 15h passé de quelque minute, ce jour-là, quand un homme âgé d’une cinquante d’années débarqua à la maison, me salua gentiment et rentra voir mon oncle. Après un long moment d’échanges entre eux, mon oncle sortit, me remit mes affaires et m’annonça que mon mari était venu me chercher. Il m’a dit que je devais partir avec lui. Je ne comprenais pas du tout ce qu’il voulait me dire. A la seconde, mille et une questions traversèrent ma tête,  sans réponse. Je n’avais pas de téléphone portable, pourtant je voulais joindre mon père au village afin que je lui explique la situation ou qu’il me donne des explications.

Mais ils ne m’ont pas laissé le choix, je suis partie avec l’homme qui m’était totalement inconnu. A mon arrivée chez lui, il m’a installée dans une grosse et belle villa. Je me suis installée mais je ne comprenais rien. J’étais perdue. Mais il fallait que je me calme, car je ne savais pas si je n’allais pas faire face à la pire chose possible.

Cette nuit même, mon désormais « mari » m’a dit de prendre une douche et de l’attendre dans la chambre. Vous imaginez ? Une fillette de 13 ans qui doit avoir des relations sexuelles avec un homme d’une cinquante d’années, rencontré quelques heures plus tôt…

Le cauchemar indélébile 

Jamais de ma vie je n’oublierai ce jour, je dirais plutôt cette nuit. Il m’a prise par le cou puis m’a jetée dans le lit. Je me suis débattue pour essayer de sortir de la chambre, mais je n’ai pas pu, car je n’avais pas assez de force. Il m’a violée et m’a battue donc. J’ai vu du sang couler entre mes jambes, j’étais incapable de me tenir debout. J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps, mais il n’y avait plus rien à faire.

Mon mari était un homme qui se montrait très violent à mon égard. Il ne riait jamais et de surcroît il me battait pour la moindre des choses. Les années sont passés, je n’avais toujours pas les nouvelles de mes parents au village, je ne partais plus à l’école. Ma vie se résumait à faire le ménage, la cuisine, et pleurer.

A 15 ans, je suis enceinte de mon premier enfant. Mon mari avait pris pour habitude de me battre pour tout et rien. J’étais à mon sixième mois de grossesse. Etant très jeune, la grossesse m’épuisait. J’avais donc du mal à faire le ménage et la cuisine. Ce jour-là, je n’avais pas cuisiné, j’avais des vertiges. A son retour à la maison et lorsqu’il a su cela, mon mari m’a copieusement battue, jusqu’à ce que je perde l’usage d’un de mes pieds. Il m’a évacuée à l’hôpital mais malgré tous les soins, j’ai perdu l’usage de mon pied droit. Le bébé, lui, a survécu. J’ai accouché en état d’handicap. Je ne me pouvais plus me tenir debout. C’était une petite fille. Malgré les terribles souffrances, elle est venue au monde en bonne santé.

Quelques années après cette terrible expérience, j’ai perdu mon mari. Cet homme cruel et sans cœur qui a gâché ma vie est mort dans un accident de la circulation. J’ai élevé ma fille, toute seule, dans mon état de jeune femme handicapée. J’ai reçu l’aide de quelques personnes dont mon oncle Mouctar. Celui-là même qui a été complice du drame qui m’a frappée !

Je n’ai jamais revu mon père. A mes 22 ans, j’ai appris qu’il est décédé des suites de maladies. Je me suis battue seule face au quotidien difficile de d’une mère monoparentale. Ma petite fille est tout ce que j’ai de plus chère au monde. Aujourd’hui, j’ai presque 30 ans. Mais je suis toujours handicapée. Quant à ma fille, elle est une brillante collégienne.

Mais à cause de ce mariage précoce et forcé, je n’ai pas connu le bonheur d’être femme. Le bonheur de pleinement jouir de ses droits, le bonheur d’être enfant et de grandir en sécurité, le bonheur de vivre, le bonheur de choisir mon mari, le bonheur de jouir de mes pieds… Ce qui me reste véritablement, c’est de me battre corps et âme afin que ma fille ne vive pas un tel traumatisme.

Témoignage recueilli par Gnoumagbè Diakité – Contributrice de Génération qui ose

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