Avoir un enfant hors mariage est très mal vu dans certaines communautés guinéennes. De nombreuses femmes et des filles qui ont transgressé « l’interdit » subissent une forte stigmatisation sociale. Certaines sont carrément rejetées par leur propre famille. Les enfants nés de ces relations en dehors du mariage sont aussi rejetés par certaines personnes. Les raisons de ces rejets tiennent leurs sources de facteurs d’ordre religieux ou coutumier.

Pour traiter ce sujet, la plateforme Génération qui ose a rencontré une jeune femme qui a fait un enfant hors mariage. Nous l’appellerons Zenab* qui a contracté sa grossesse à l’âge de 22 ans. Sur les relations sexuelles ayant abouti à cette grossesse, la mère célibataire confie qu’elles étaient consenties. « Je ne vais dire que ça a été une surprise pour moi. Parce que toute relation [sexuelle] non protégée, tu t’attends à quelque chose. Quelle que soit la durée, tu peux t’attendre à une grossesse », explique-t-elle, précisant toutefois qu’elle ne l’avait pas planifié avec son compagnon.

Une grossesse qui fait peur… 

Après avoir commencé à faire des nausées, des vomissements et constaté le retard de ses règles, Zenab* décide d’en parler avec son compagnon, soupçonnant un début de grossesse. « Il m’a alors proposé d’aller faire un test à l’hôpital. Mais en allant, mon cœur battait fort. Parce que tomber enceinte hors mariage, ça cause la trouille. J’ai fait le test, ça n’a même pas durée le résultat est sorti, le médecin m’a dit : ‘Madame, toutes mes félicitations, vous êtes enceinte !’ Mais ce que le médecin ne savait pas, c’est que je n’étais pas mariée », se souvient-elle.

Les interrogations se multiplient dans sa tête. « Dois-je rentrer à la maison ? Fuir ailleurs ? Qu’est-ce que je dois faire ? Devrais-je pas avorter ? Donc, j’avais mille questions dans la tête ! Rapidement, j’ai appelé mon copain pour lui dire que j’étais enceinte. Il m’a demandé ce que proposais. Je lui ai répondu que c’était plutôt moi qui lui demandais ce que je devais faire. Il a alors dit : ‘On garde l’enfant’. Déjà, il y avait un projet de mariage entre lui et moi. On a donc dit que ce n’est pas cet enfant qui va venir gâter le projet en cours. C’est ainsi qu’on a décidé de garder l’enfant », détaille Zenab*.

L’annonce de la grossesse à la famille

On connait le proverbe qui dit que « personne ne peux cacher un bébé qui est en route ». La future maman se mit à réfléchir sur la meilleure manière pour annoncer la nouvelle à ses parents. « J’ai une sœur, confidente, je suis allée vers elle, je lui ai expliqué la situation en lui demandant des conseils. La première chose qu’elle m’a dite, c’est de ne pas avorter. Je lui ai dit : ‘Moi non plus’. Elle a proposé dit qu’on aborde nos parents, car tout problème a une solution. Donc, c’est ainsi que je suis allée vers ma maman je lui ai expliqué. Elle aussi m’a dit de ne pas avorter. Elle a été plutôt compréhensive, en estimant que certes j’ai commis une bêtise, mais il ne fallait pas que je commette une autre bêtise à travers un avortement. Je lui ai dit : ‘Ok, mais comment je vais affronter papa étant donné qu’il disait chaque fois que si je tombe enceinte, il va me poignarder ?’ Elle m’a repondu : ‘Non, si tu as gâté, il n’y a pas un problème qui n’a pas de solution’. Du coup, je n’ai pas voulu que mon papa sache que j’étais enceinte. Je me suis donc déplacée de Conakry pour une ville de l’intérieur du pays. Je suis restée là-bas jusqu’à l’accouchement. Quand il a appris que j’étais enceinte, il était vraiment en colère contre moi. Mon enfant avait eu plus d’une année quand mon papa l’a vu. Je suis venue avec une délégation pour demander pardon. L’homme qui ma enceinté est aussi venu demander pardon à mon père. Finalement, il a accepté le pardon. Mon père m’a fait savoir que, peut-être, c’est moi qui ai fauté et que l’enfant est un innocent dans cette situation. Il a accueilli mon enfant à bras ouverts, comme étant son petit-fils, (…) » se réjouit-t-elle.

Une grossesse assumée devant la société… 

Après sa famille, Zenab* devait faire face aux regards de la société. « Il se pourrait qu’il y ait eu des stigmatisations parce que c’est un reflexe qui est chez beaucoup de personnes. Quand tu fais un enfant hors mariage, les gens ont un regard sur toi. Mais, moi, je l’ai assumé. J’ai assumé mon enfant. Je me suis dit que ce n’est pas une fatalité. Donc, ce que les gens allaient dire, je n’ai pas trop calculé ça. Donc, même si les gens en ont parlé, ils ne me l’ont pas dit en face (…) Et c’est tant mieux », estime la mère qui est toujours célibataire.

Et sa conscience dans tout ça ?

Les années sont passées, mais elle pense encore à cet épisode de sa vie. « D’une part, je me sens fautive. Mais d’autre part, je me dis que je ne suis pas la première à faire un enfant hors mariage. Ni même la dernière. Ce qui me remonte le moral. Par ailleurs, l’objectif que je me suis fixée pour honorer mes parents, je l’ai fait parce que j’ai fini la licence. Aujourd’hui, je me dis : ‘Pourquoi me culpabiliser ? Je n’ai pas tué quelqu’un’. Certes, j’ai fait un enfant hors mariage, mais je n’ai pas tué quelqu’un, je n’ai pas fait quelque chose qui n’a jamais été faite par d’autres personnes et je ne suis pas la première et je ne serai pas la dernière non plus », avance Zenab, ravie que son fils soit bien traité par son grand-père.

Assumer le passé et sensibiliser les jeunes filles

Bien que Zenab* assume entièrement son enfant, elle invite cependant les jeunes filles à ne pas commettre la même erreur qu’elle. « Ce sont des choses à ne pas encourager. Certes, moi, j’ai fini la licence. Mais il y a des jeunes filles aujourd’hui à bas-âge, qui n’ont que 13 ans, qui peuvent avoir des relations sexuelles. Je n’encourage pas cela car elles peuvent se livrer à une vie qui n’est pas mieux pour elles. Ce n’est pas facile de faire un enfant hors mariage surtout quand tu n’es pas supportée par le papa de l’enfant. Et si la famille ne te supporte pas, tu risques d’aller à la déperdition. Le conseil que je vais donner à toute les filles, c’est : avant de faire un enfant pour un homme, il faut connaitre sa moralité », conseille la jeune femme en guise de conclusion.

* Nom d’emprunt

Bhoye Barry – Contributeur de Génération qui ose

Génération qui ose est une plateforme d’informations et de sensibilisation sur la santé de la reproduction des adolescents et des jeunes (SRAJ), de promotion de l’émancipation des femmes et de lutte contre les violences basées sur le genre. Ce projet est porté par l’Association des Blogueurs de Guinée (ABLOGUI) en partenariat avec le Fonds des Nations-Unies pour la population (UNFPA) et le ministère guinéen de la Jeunesse. Suivez-nous également sur les réseaux sociaux avec le hashtag #GquiOse.

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