« Maman me fait peur » : quand l’éducation rime avec violence à la maison

À Conakry et dans bien d’autres villes de la Guinée, les murs des foyers résonnent parfois plus de cris que de rires. Sous couvert d’éducation, des enfants subissent quotidiennement des violences physiques et verbales de la part de ceux qui sont censés les protéger, à savoir leurs parents.

« J’ai peur de ma mère. Elle me frappe et m’insulte tout le temps. Quand je fais une erreur, je n’ose pas dire la vérité de peur qu’elle me punisse », confie Fanta*, 10 ans, le regard fuyant.

Cette fillette vivant à Conakry n’est pas un cas isolé. Comme elle, de nombreux enfants guinéens sont exposés aux coups, aux cris et aux humiliations dans leur propre maison. Une réalité alarmante, souvent justifiée comme méthode éducative.

Pour beaucoup de parents, la violence est un héritage. « Je pense que frapper les enfants est une bonne manière d’éduquer. Toutes les fois où mes parents me frappaient quand j’étais enfant, aujourd’hui je comprends que c’était pour mon bien », estime Oumar, 25 ans.

Derrière cette conviction, se cache une reproduction générationnelle d’un modèle éducatif fondé sur la peur, la soumission et la douleur.

Près de 80% des enfants guinéens victimes d’une forme de discipline violente

Une enquête de l’UNICEF menée en 2020 révèle que près de 80% des enfants guinéens âgés de 1 à 14 ans ont subi une forme de discipline violente à domicile. Une statistique glaçante, qui met en lumière l’ampleur d’un phénomène souvent minimisé, voire toléré.

Mais que la violence soit physique ou verbale, ses effets sont profonds et durables. « Sur le plan psychologique, ces violences provoquent souvent de l’insécurité, une faible estime de soi, des troubles anxieux ou dépressifs, et des difficultés relationnelles à l’âge adulte », explique le Dr Alpha Oumar Deen Diallo, psychologue clinicien et doctorant en psychologie.

Selon lui, ces enfants développent parfois une méfiance excessive envers l’autorité ou, à l’inverse, une tendance à reproduire la violence reçue.

C’est ce que semble confirmer Mariame*. A 27 ans, la jeune femme garde à jamais les séquelles d’un châtiment brutal reçu quand elle était enfant. « J’ai mon œil droit qui voit flou. Quand j’avais 12 ans, mon tuteur m’a violemment frappée. Le fouet a touché mon œil et, depuis, je ne vois pas bien avec cet œil », raconte-t-elle avec amertume.

Eduquer sans frapper, est-ce possible ?

Pour le Dr Diallo, la réponse est un oui ferme. Il plaide pour une éducation fondée sur le dialogue, l’écoute et la fermeté bienveillante. « Beaucoup de parents ne font que reproduire ce qu’ils ont eux-mêmes subi. Il faut briser ce cycle », insiste-t-il. Il appelle à des campagnes de sensibilisation à grande échelle, à l’implication des leaders communautaires et à l’instauration de dispositifs d’écoute pour les enfants.

En Guinée, comme dans plusieurs pays, notamment en Afrique, la banalisation des violences éducatives fait des ravages silencieux. Derrière les murs des maisons, des enfants blessés physiquement et psychologiquement grandissent dans la peur. Briser ce silence est aujourd’hui une urgence qu’il ne faut pas négliger.

* Identités volontairement changées pour préserver leur anonymat

Mayamba Traoré

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