Le combat silencieux de Fantagbè* contre les cicatrices de l’infibulation

À 7 ans, Fantagbè* a été infibulée. Cette pratique néfaste, ancrée dans les communautés et imposée sans son consentement, a gravé dans sa chair une douleur que le temps n’a jamais vraiment réussi à apaiser. Aujourd’hui jeune femme, mariée depuis peu, elle nous livre un témoignage bouleversant : celui d’un corps meurtri à double reprise et d’un espoir encore fragile.

Une enfance marquée par la lame

Fantagbè* n’avait que sept ans quand sa vie a basculé. Sans savoir ce qui allait vraiment se passer ce jour-là, elle a fait face à une pratique archaïque de l’excision : l’infibulation. Avec six autres fillettes, elle a reçu ce jour-là une douleur brute, une mutilation silencieuse, une blessure sans fin qui l’a marquée à vie. « J’ai été victime d’une sorte d’excision très archaïque, avec un couteau non désinfecté, qui avait servi à exciser plusieurs autres filles… J’étais très petite, et je ne savais même pas ce que signifiait être excisée ou infibulée », se souvient-elle.

Infibulée, elle a grandi avec cette réalité. Pas de règles normales, des douleurs inexplicables, une peur de son propre corps et de la sexualité, jusqu’à ce qu’elle intègre la vie associative. Mais même armée de nouvelles connaissances, grâce à son engagement associatif, elle ne pouvait échapper à ce que son corps allait endurer.

L’amour… et le retour de la douleur

Comme nombre des jeunes femmes, Fantagbè* a rencontré son grand amour et a décidé de se marier. Cette étape, censée être un moment de bonheur, devait marquer un nouveau départ. Mais la douleur, elle, n’avait pas dit son dernier mot. Pour vivre une intimité avec son époux, une désinfibulation était nécessaire. Il lui fallait subir une nouvelle opération : un retour sous les bistouris pour un corps déjà éprouvé. « La première désinfibulation a eu lieu deux semaines avant mon mariage. C’était une petite chirurgie. Elle devait me permettre d’avoir des relations sexuelles, mais avec beaucoup de douleurs et zéro plaisir. On m’a prescrit des médicaments à prendre pendant 41 jours. Cela devait faciliter l’opération et réguler mes règles. Mais ça n’a pas suffi. L’opération n’a pas marché. Pour un début, ça n’a pas du tout été une bonne expérience. Je n’ai vraiment pas apprécié », nous confie-t-elle.

Quelques semaines après son mariage, Fantagbè* doit subir une seconde intervention pour espérer profiter des joies de l’union conjugale. « La deuxième opération était plus douloureuse que la première. Celle-là, elle a fait mal, vraiment mal. Mais j’étais entourée : les gynécologues, mes proches… C’est ce qui m’a permis de tenir », pense la jeune femme.

La nuit de noces, un moment difficile

La nuit de noces, ce moment censé être doux pour les jeunes mariés, s’est révélée être un supplice pour Fantagbè*. « Ma première fois a été une catastrophe, surtout après une première chirurgie qui avait échoué. Il a fallu plusieurs jours d’essais avant qu’une relation intime soit possible, avec des douleurs inexplicables qui me hantent encore », témoigne-t-elle.

Face à ce constat, une réalité s’impose : elle doit affronter une seconde fois la table d’opération pour mettre fin à ses souffrances, ou tout du moins les atténuer. Après la chirurgie, elle passe quinze jours à la clinique. Elle est physiquement affaiblie et psychologiquement brisée. « J’étais dégoûtée de tout. Même parler me fatiguait. Je n’avais envie de rien faire. Pire, j’avais peur d’essayer d’entretenir des relations intimes », confie Fantagbè*.

La vie continue, mais le poids reste

Aujourd’hui encore, Fantagbè suit un traitement. Elle prend des produits pour se soigner, se reconstruire et profiter de sa nouvelle vie. Mais certaines cicatrices sont invisibles. « La peur est toujours là, même si j’ai de l’espoir. Je veux avancer, dépasser cette étape le plus vite possible », espère notre interlocutrice.

À toutes celles qui, comme elle, ont été victimes d’infibulation, elle adresse un message fort : « Je suis de tout cœur avec vous. Faites la désinfibulation au moins trois mois avant le mariage. Ça vous laisse le temps de guérir, de respirer et de vous en remettre avant le jour J. Et surtout : parlez à votre partenaire pour qu’il comprenne et vous soutienne ».

Aux parents, ne brisez pas vos filles !

Son message le plus fort est destiné aux parents. Ceux qui, par ignorance ou tradition, pensent faire le bien, mais détruisent plutôt l’avenir de leurs filles. « Si vous voulez protéger votre fille, éduquez-la, échangez avec elle. L’infibulation ne garantit rien. Elle peut se faire opérer en cachette si elle le veut. Vous ne faites que la détruire », conseille-t-elle.

Fantagbè* rappelle les conséquences terribles de l’infibulation : douleurs menstruelles, risques de stérilité, complications lors de l’accouchement, traumatisme permanent, etc. Pour elle, tout cela peut être évité par une bonne éducation à la sexualité. « C’est une torture, un poids psychologique que l’on porte toute sa vie. Donnez-nous une bonne éducation. N’infligez pas cette douleur à votre enfant au nom d’une quelconque tradition », plaide-t-elle.

Ce témoignage de Fantagbè* devrait nous interpeller tous. Par son récit, elle nous tend un miroir : celui d’une société encore prisonnière de traditions néfastes. Mais elle nous tend aussi une main : celle de la résilience, de la parole libérée, de l’espoir.

*Le prénom a été modifié pour préserver l’anonymat. – Photo d’illustration / Medsile via Iwaria.com

Elisabeth Zézé Guilavogui

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