A peine entrée dans l’innocence, Fantagbè fait face à une terrible épreuve : l’infibulation. Celle-ci est une mutilation génitale féminine qui consiste à suturer la majeure partie des lèvres externes ou des lèvres internes de la vulve, en laissant juste une petite ouverture pour que l’urine ou le sang des règles s’écoulent.
Avec la force du temps et son courage, elle surmonte ce traumatisme qui l’a changée à jamais, tant physiquement que mentalement. « J’ai été infibulée lorsque j’avais 7 ans. Mes parents savaient que j’allais être excisée, mais ils ne savaient pas que j’allais être infibulée. J’ai été victime d’une sorte d’excision très archaïque, avec un couteau non désinfecté, et qui a servi à exciser plusieurs autres filles. Nous étions 7 enfants à le subir ensemble », raconte Fantagbè* qui s’en souvient malheureusement comme si c’était hier. Cette épreuve traumatisante, elle la vit seule, sans que ses parents n’en sachent rien. « Lorsque les vieilles [femmes] m’ont infibulée, elles n’ont rien dit à mes parents. J’étais aussi très petite, en plus je ne savais même pas c’est quoi être excisée ou infibulée », ajoute-t-elle.
Sans informations sur ce qu’elle a vécu, Fantagbè* traverse cette épreuve et supporte ses douleurs pendant près d’un mois, avant de décider d’en parler à sa mère. « Après près d’un mois, la plaie commençait à guérir mais je me grattais beaucoup, et je sentais un changement en moi. C’est là que j’ai essayé d’expliquer à ma mère que je me gratte trop et que mon sexe n’est plus comme il était avant. Lorsque je lui ai montré la partie, elle a directement coulé des larmes. C’est là qu’elle s’est aussi rendue compte que sa fille a été infibulée à son insu, mais le mal était déjà fait. Il n’y avait plus de retour possible. Je passais tout mon temps à regarder mon sexe de nouveau, puis je me disais que c’est très étrange », se souvient-elle. Son père, pour sa part, ne sait pas ce que sa fille a subi lors de son excision. « Mon père n’a jamais su, jusqu’à aujourd’hui. Parce que nous savons tous qu’il ne pardonne pas ce genre de chose. Même si c’est aujourd’hui qu’il sait que sa fille a été infibulée au lieu d’être excisée, il va porter plainte. Ma mère n’a pas engagé de poursuites par peur d’être mal vu par la société. Moi, lorsque j’ai commencé avec la vie associative à être plus informée sur mes droits, j’ai voulu le faire, mais ma mère m’a toujours dissuadé », avoue la jeune femme.
Et quand ses premières règles surviennent, les douleurs réveillent son traumatisme d’antan. « Lorsque j’ai eu mes premières règles, j’avais des maux de ventres très excessif. Mais je me disais que c’est normal et que toutes les filles souffrent comme moi. Les mois passaient et il n’y avait pas d’amélioration. Je souffrais énormément et il arrivait des jours où les douleurs ne me permettaient pas d’aller à l’école. Je suis une fille anormale, c’est ce que je me dis, car je ne vois pas mes règles normalement comme toutes les autres. Je peux faire 2 ou 3 mois sans règle et après, quand ça vient, je souffre énormément », nous confie Fantagbè*.
Pour calmer ses douleurs, elle se tourne vers un gynécologue à 16 ans et commence à suivre un traitement : « J’ai commencé à aller fréquemment chez le gynécologue. Il me rassurait, me donnait des calmants et mes règles ont commencé à se stabiliser. Il a été très professionnel avec moi. Pour le moment, tout va mieux. Il est très disponible. Je peux rester chez moi, je l’appelle et il m’assiste ».
Côté plaisir sexuel, elle reste optimiste malgré une certaine appréhension
Fantagbè* n’a pas encore sa première fois avec un homme, mais appréhende déjà ce moment. « Pour l’heure, je n’ai pas entretenu de relations sexuelles. Ma partie intime reste toujours cousue. Le gynécologue m’a rassuré que je pouvais subir une opération et entretenir des rapports sexuels normalement et sans douleur après, mais la peur est toujours là, parce que je connais des filles infibulées qui ont des problèmes de santé sexuelle. Certaines ont subi cette opération archaïque et n’arrivent plus à avoir des enfants, d’autres ne ressentent aucun plaisir lors des rapports sexuels. Et plus loin, il y en a qui ont perdu la vie lors de la désinfibulation », assure la jeune femme qui reste pourtant optimiste.
Malgré cette pratique qu’elle a connue, Fantagbè* a appris à connaitre son corps et à savoir prendre son plaisir. « Je reste très sensible quand-même. Même lorsque j’embrasse mon petit ami, je suis toute excitée et l’envie d’entretenir des rapports sexuels me vient. Le fait par exemple qu’on touche mes seins ou qu’on m’embrasse sur le cou m’excite énormément et aussi, j’éjacule comme toute femme normale. Je suis une femme fontaine malgré tout », fait-elle savoir.
Engagement contre les mutilations génitales féminines
Afin d’épargner aux autres jeunes filles ce qu’elle a déjà vécu, Fantagbè* invite les parents à ne pas se laisser tenter par la pratique des mutilations génitales féminines (MGF). « Il ne faut pas infliger ce traumatisme et cette douleur aux enfants (…) Pour moi, c’est un combat sans fin pour toute une vie. Être là à lutter, à stresser, à avoir mal, à sauter de gynéco en gynéco pour espérer avoir des calmants, c’est un calvaire. L’excision à elle seule nuit, imaginez maintenant excision et infibulation, c’est la catastrophe. Règles douloureuses, retard de règles, stress… C’est ce que vivent les jeunes filles infibulées à longueur de journée », explique-t-elle, appelant à l’abandon total de ces pratiques néfastes pour les filles et les femmes.
*Nom d’emprunt pour préserver son anonymat.
Elisabeth Zézé Guilavogui – Contributrice de Génération qui ose
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