Comme dans de nombreux pays africains, les grossesses non-désirées sont un véritable problème de société en Guinée. Dans la région de Kankan, comme un peu partout dans le pays, en plus d’être fréquentes, elles relèvent d’un sujet tabou à cause notamment des nombreux préjugés qui entourent la sexualité. Au service de la maternité de l’hôpital régional de Kankan, 800 à 900 consultations y sont faites chaque mois. Selon les informations recueillies sur place, 40% des grossesses enregistrées sont non-désirées. Pour mieux comprendre la situation, notre contributeur en Haute-Guinée, Cheick Berthe, s’est intéressé au phénomène. Nous publions son enquête en deux épisodes.
Dans la capitale de la savane guinéenne, les personnes qui tombent enceinte sans le vouloir sont souvent stigmatisées. Entre insultes, humiliation et abandon, leur vie se transforme en cauchemar. C’est à l’hôpital régional que beaucoup d’entre elles viennent pour leur suivi. Le chef du service de la maternité, Dr. Mamadi Souaré, assure que le rejet des personnes victimes de grossesses non-désirées par les familles n’est pas sans conséquences sur leur santé physique et psychologique. « Très souvent, les victimes que nous recevons sont abandonnées par leurs parents. Dès qu’une jeune fille tombe enceinte, elle est renvoyée de la maison familiale. Elle va souvent évolué pendant deux, quatre mois voire même jusqu’à l’accouchement, sans aucun soutien, aucune consultation ». A en croire ce formateur en santé de la reproduction et enseignant à l’École des sages-femmes du complexe scolaire, universitaire et professionnel Elhadj M’bemba Touré, les jeunes filles de 14-18 ans occupent la première tranche d’âge des accouchements que son service enregistre chaque mois et 30% d’entre eux sont des cas de grossesses non-désirées.
Le tabou autour de ce sujet ne laisse pas indifférent Dr. Souaré. Il rappel que : les grossesses non-désirées sont un sujet très brûlant. Car la sexualité en dehors du mariage est mal perçue dans la société guinéenne. Au niveau de la santé également, des complications peuvent se produire. « Si la jeune fille qui est enceinte n’est pas bien suivie, elle peut contracter une éclampsie, appelée « Kô » en langue maninka ou la maladie du sel, parce qu’on croit à tord que c’est un excès de sel dans l’organisme qui est à son origine. Elle se manifeste par des crises hystériques. La victime se mort la langue, émet des cris et va même jusqu’à perdre connaissance », a-t-il précisé.
Mise en garde contre l’avortement clandestin et appel à une prise en charge par les spécialistes
En Guinée, les grossesses sont considérées comme non-désirées lorsqu’elles sont contractées en dehors du mariage (femmes célibataires ou entretenant des liaisons adultères). L’un des premiers réflexes que les partenaires ont en apprenant que la femme est enceinte, c’est comment se débarrasser de la grossesse. Or, l’avortement est strictement encadré en Guinée. Mais de nombreuses victimes préfèrent se rendre dans des cliniques privées, qui ne sont suffisamment pas équipées, pour avorter. D’autres procèdent à l’avortement de façon mécanique : injection de produits inadéquats, activités violentes, etc. Dans ces cas, soit l’avortement aboutit tant bien que mal soit la grossesse se solde par un mort-né ou parfois le bébé survit avec des séquelles. « Si la femme enceinte ne meurt pas dans les mains de ces incompétents, c’est le bébé qui va souffrir. Parfois, elle devient stérile pour toute sa vie », rappel Dr. Mamadi Souaré.
L’hôpital régional de Kankan offre une prise en charge « quasi gratuite » aux victimes qu’il reçoit. Il leur offre une consultation prénatale recentrée. « À chaque consultation, nous nous appesantissons sur ses problèmes de façon psychique. En cas d’anémie, parce qu’elles sont souvent abandonnées, alors ses parents ou tuteurs nous trouvent du sang qu’on lui transfuse dans l’immédiat. Si elle est atteinte d’éclampsie, on lui donne gratuitement des médicaments qui peuvent lui faire recouvrer son état normal. Dans le cas de l’accouchement, nous les assistons gratuitement. En cas d’hospitalisation, la victime vient avec son carnet, si son infection est liée au paludisme, elle est traitée gratuitement aussi », nous assure-t-on.
Retrouvez la suite de cette enquête ici
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