Guinée : la campagne « Octobre Rose » lancée à Conakry, plus de 20 000 femmes visées

Les activités intégrées de la campagne « Octobre Rose », axées sur la santé mentale et le dépistage des cancers du col de l’utérus et du sein, ont été officiellement lancées ce mercredi 1er octobre 2025 à Coyah. Placée sous le slogan « Sein, col et esprit, protégeons la vie », cette campagne vise à sensibiliser et mobiliser à l’échelle nationale contre les cancers qui menacent la santé et le bien-être des femmes.

La cérémonie d’ouverture a réuni des acteurs étatiques, des organisations de la société civile et des étudiants en médecine, sous la coordination du Programme national de lutte contre le cancer. Les intervenants ont insisté sur la nécessité du dépistage précoce et de l’accompagnement des personnes touchées, afin de freiner la progression des cancers du sein et du col de l’utérus, les plus meurtriers chez les femmes en Guinée.

«  Agissons aujourd’hui pour prévenir demain »

Le professeur Bangaly Traoré, coordinateur du programme national de lutte contre le cancer et chef du service de cancérologie de l’hôpital Donka, a livré un constat alarmant : « Au 30 septembre 2025, la Guinée compte déjà 2 500 nouveaux cas de cancer du col de l’utérus et du sein, avec 2 100 décès, dont plus de 1 600 dus au cancer du col de l’utérus. Ces données soulignent l’urgence d’un dépistage précoce, d’un traitement efficace et d’un accompagnement psychologique. Cette année, nous dépassons le cadre symbolique. Nous mettons en œuvre une stratégie intégrée qui aborde simultanément la sensibilisation, le diagnostic précoce et la prise en compte des répercussions psychosociales trop souvent négligées ».

Le professeur Traoré a également lancé un plaidoyer en faveur d’un financement durable : « Nous appelons à l’inscription des activités de lutte contre le cancer dans le budget de toutes les institutions de la République, mais aussi à l’engagement du secteur privé et des partenaires techniques et financiers. Le développement de centres régionaux, à commencer par un Institut national du cancer, est indispensable. Agissons aujourd’hui pour prévenir demain ».

« Le dépistage précoce sauve des vies »

Pour sa part, Dr Marie Angèle N’Diaye, présidente de l’Association guinéenne pour la lutte contre le cancer, a souligné que la campagne « Octobre Rose n’est pas qu’un mois : c’est un cri du cœur, un symbole d’espoir et un appel urgent à l’action face au cancer du sein, qui fauche encore trop de vies de nos mères, sœurs et filles ».

Elle a mis en avant le travail de proximité effectué par les bénévoles : « Nous allons là où le système de santé a parfois du mal à aller, dans les quartiers et les villages reculés. Nous déconstruisons les mythes et les tabous qui entourent la maladie, tout en offrant un soutien moral et psychosocial indispensable aux patientes et à leurs familles. Le cancer du sein en Guinée est trop souvent diagnostiqué à un stade avancé, là où les traitements sont plus lourds, plus coûteux et malheureusement moins efficaces. La réalité est claire : le dépistage précoce sauve des vies ».

La médecin a plaidé pour un engagement financier renforcé. « Nous demandons aux autorités et à leurs partenaires de rendre le dépistage accessible et gratuit. Le coût du dépistage par mammographie ou échographie mammaire reste un obstacle majeur pour la majorité des femmes guinéennes. Nous plaidons pour la subvention totale de ces examens dès 40 ans, le déploiement d’unités mobiles dans les régions et la mise en place d’un centre national d’oncologie. Il faut aussi garantir la disponibilité des médicaments de chimiothérapie et créer une unité de radiothérapie fonctionnelle en Guinée », a-t-elle estimé.

Avant de conclure : « Chers hommes, engagez-vous ! Votre soutien est crucial. La lutte contre le cancer du sein est l’affaire de tous ».

Vers la construction d’un centre national de cancérologie

Présidant la cérémonie, Khaïté Sall, secrétaire générale du ministère de la Santé et de l’Hygiène publique, a annoncé plusieurs initiatives, dont la construction d’un centre de cancérologie en Guinée. « Avec l’appui de nos partenaires techniques et financiers, nous visons, pour cette campagne 2025, à sensibiliser 15 000 femmes, dépister gratuitement 5 000 autres, renforcer les capacités de 150 organisations de la société civile et 50 prestataires de santé, et assurer la prise en charge médicale et psychologique des cas positifs », a-t-elle déclaré.

La responsable a ajouté : « Cette année, nous avons validé le dossier de soumission du vaccin contre le cancer du col de l’utérus, qui sera introduit, si accepté, au début de 2026. Ce vaccin, destiné aux filles de 9 à 14 ans, permettra de prévenir environ 95 % des cas de cancer du col de l’utérus en Guinée. De plus, un financement de 52 millions d’euros, obtenu avec l’appui de la Banque islamique de développement, permettra la construction d’un centre national de cancérologie dont le lancement officiel aura lieu le 6 octobre ».

Le rappel de l’OMS

La représentante de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a rappelé qu’en 2022, le cancer du col de l’utérus a causé 350 000 décès dans le monde, dont 94 % dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. « Ces cancers peuvent pourtant être évités ou soignés s’ils sont détectés précocement », a-t-elle souligné.

Elle a également évoqué les stratégies mondiales mises en œuvre : la première vise à éliminer le cancer du col d’ici 2030 grâce à la vaccination de 90 % des filles avant 15 ans, au dépistage de 70 % des femmes et au traitement de 90 % des cas diagnostiqués. La seconde initiative, dédiée au cancer du sein, ambitionne de réduire la mortalité de 2,5 % par an et de sauver 2,5 millions de vies d’ici 2040.

Durant tout le mois d’octobre, des équipes seront déployées à Conakry, Coyah et Dubréka pour sensibiliser 15 000 femmes et offrir un dépistage gratuit à 5 000 autres.

Djenaba Diakité

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