Djessira Diabaté a 49 ans. Depuis une vingtaine d’années, cette dame fait de la menuiserie son métier de prédilection. A l’occasion du mois de la femme, Génération qui ose est allée à sa rencontre. L’occasion de faire un coup de projecteur sur cette brave femme au parcours inspirant…
Après ses études secondaires qui l’ont menée jusqu’en Terminale, elle a trouvé nécessaire d’embrasser la formation professionnelle. On est en 1987 dans la préfecture de Fria, au nord-ouest de la Guinée. « J’ai fait 12 douze ans de formation. Trois ans de formation avec des Canadiens. Deux ans après notre sortie, les Canadiens sont rentrés chez eux. Je me suis retournée dans le même centre, à Fria, pour être formée avec les ouvriers. J’y ai fait deux ans. Après cette formation, je suis rentrée à l’usine d’alumine de Fria où j’ai fait cinq ans en génie civile. Il n’y avait pas d’embauche, car l’entreprise était privatisée. On m’a dit de rentrer en ville pour l’entretien, j’ai refusé. Je ne voulais pas être une femme bureaucrate, je voulais être une femme de terrain, comme aujourd’hui », raconte-t-elle à Génération qui ose.
La formation terminée, Djessira Diabaté effectue quelques stages pratiques et joue parfois des rôles administratifs dans les entreprises qu’elle fréquente. Malheureusement, ses yeux contractent une maladie qui lui a valu 90 jours d’indisponibilité, après une évacuation sanitaire à Conakry. Au bout du compte, elle se voit interdite certains outils de travail, comme l’écran. Mais malgré cette mésaventure, la laborieuse dame ne lâche pas prise : elle se montre d’ailleurs plus déterminée. « Je me suis retourné encore à la menuiserie, parce que je ne voulais pas chômée. En retournant, comme je n’avais pas beaucoup de fonds, et moins de personnes pour me soutenir, je suis allé faire un potager pour planter des oignons. L’agriculture ! Car la terre ne ment pas. Malgré mes deux diplômes, j’ai vendu les feuilles d’oignons au marché Racine. Le tas était, à l’époque, à 25 francs guinéens. Je voulais être autonome. Comme aujourd’hui on parle d’autonomisation des femmes, je voulais être autonome » fait-elle remarquer.
En 1994, elle ouvre son propre atelier de menuiserie. Mais le véritable challenge pour la dame commence au début des années 2000. « En 1999-2002, je suis entrée profondément dans le métier de menuisier. Je venais tous les jours à l’atelier. J’ai commencé à avoir des contrats au niveau de l’usine, quand les Américains sont venus. Ils m’ont permis d’avoir mon agrément et m’ont demandé de travailler ensemble. Au moment où je commençais à travailler avec les Américains, l’usine a été donnée aux Russes. A leur arrivée, nous avons un peu travailler ensemble. Je faisais leur montage. Mais finalement, j’ai choisi de rester dans mon atelier. Finalement mon mari est décédé en 2012 », indique la mère de famille.
Entre 2013 et 2014, Madame Camara s’installe définitivement à Conakry. D’abord à Sonfonia, dans la commune de Ratoma, puis en 2016 elle occupe cet espace appartenant à l’État, situé à Tombo dans la commune de Kaloum, où elle continue d’exercer sa passion. Son installation à cet endroit n’a non plus été facile. « Je suis venu ici. J’ai trouvé qu’il y avait plein d’ordures. Tout le monde avait abandonné les lieux. Je suis allée à la commune, puis au gouvernorat. Ils sont venus regarder et m’ont dit qu’ils ne peuvent pas ramasser les ordures. Je me suis engagée à assainir les lieux. Avec une brouette, mes bottes et mon masque, j’ai dégagé les ordures », explique-t-elle.
Mis à part un ancien ministre guinéen de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle et un autre de ses amis, Djessira Diabaté n’aurait su compter que sur une seule personne : l’élue de son cœur. Grâce à ce dernier, madame a trouvé peu de difficultés à éduquer ses enfants. « Le premier diplôme que j’avais eu, il n’y avait personne pour m’encourager. Voir une femme menuisière, une fille menuisière, personne ne m’encourageait, sauf mon mari. C’était le seul à me supporter. Il m’a donné le temps de faire ce métier. Donc, je n’ai pas eu de difficulté avec les enfants. Parce que même après sa mort, mes enfants, on se concerte sur tout », se félicite la mère de quatre enfants (deux filles et deux garçons).
Avec un tel courage, qui mieux que Djessira Diabaté pour s’adresser aux jeunes filles ? « Ce que je dis à nos filles, c’est d’aimer tout ce qu’elles font dans la vie. Dès que tu aimes, ce que tu fais, tu seras forcément capable de le faire », assure-t-elle.
Mais aujourd’hui, une partie de son atelier de menuiserie, nommé « MandienDjaka Réveil les Femmes et les Jeunes » a été rasée, lors de la vaste opération de récupération des emprises publiques en cours à Conakry et dans certaines villes de l’intérieur du pays.
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