La prostitution est une activité répandue un peu partout en Guinée. La région du Foutah Djallon et plus particulièrement la ville de Labé n’en fait pas exception. Pourtant, l’univers des prostituées ou disons mieux des PROFESSIONNELLES DU SEXE est méconnu. Elles rencontrent énormément de difficultés dans l’exercice de leur activité. Notre contributeur à Labé, Abdoul Baldé, a rencontré une d’entre elles qui a accepté de raconter son quotidien.


Mes débuts

Je suis une professionnelle de sexe, je vis à Labé et j’ai 21 ans. Cela fait plus de 5 ans que je pratique ce métier. Lorsque je faisais le lycée, je suivais mes camarades qui étaient déjà professionnelles de sexe en boîte de nuit. Puisque j’étais découplée comme elles, on gagnait souvent des clients : des grands patrons, des jeunes responsables ou commerçants pour un début qui nous proposaient des grosses sommes ; et vu la situation financière dans laquelle je vivais, je profitais. J’ai continué toujours à aller avec elles dans les bars, dans les boîtes de nuits et j’ai vu que j’avais de l’intérêt dans le métier car je gagnais à chaque sortie beaucoup d’argent.

Mes façons de travailler

Je travaille de deux façons : la journée j’effectue des déplacements et la nuit j’ai un site (dans notre jargon, un site signifie l’endroit où l’on s’arrête pour attendre les clients), où je reçois les clients qui me proposent d’aller les rencontrer pendant la journée ou pendant les weekends et à des rares fois sur-le-champ. En un mot, dans mon site je ne fais que tisser des relations et prendre des contacts avec les clients.

Je gagne beaucoup dans le métier. Je ne peux pas dire que je gagne énormément d’argent mais j’en gagne quand même parce que si c’est à mon site que je reçois mon client et qu’il me donne un rendez-vous le matin, dans la journée ou dans la soirée, il paie d’abord mon transport, il paie ensuite mes unités parce que je dois l’appeler quand j’arrive et enfin, arrivée là-bas après l’acte, il me paie pour la prestation. Donc, je gagne beaucoup plus à travers les déplacements que quand je travaille dans le site. C’est ma façon de travailler.

Mais le métier de prostitution est jonché de difficultés

 Je rencontre parfois des clients irresponsables qui ne respectent pas la convention et qui veulent toujours abuser de moi. Mais j’arrive parfois à m’en sortir. Parfois, non ! Consciente que ces choses pareilles m’arrivent souvent, j’essaye toujours d’informer mon souteneur, le jeune du bar où j’ai mon site, de l’endroit où je doit me rendre et avec qui. Dans le milieu, pour se protéger, on met nos téléphone parfois en écoute, en appelant nos souteneurs qui décrochent le téléphone et restent sans parler. Comme ça, si on est en danger, ils viennent nous aider. Il n’y a pas longtemps que j’ai eu une difficulté comme ça : un monsieur m’a demandé d’aller le rencontrer pendant le weekend à un lieu. Je suis parti et à mon fort étonnement j’ai trouvé deux de ses amis. Je lui ai demandé si c’est avec lui seul parce que je ne me suis préparée que pour lui seul. Mais si c’est avec ses amis, je ne peux pas. Il m’a dit alors, il faut que j’appelle des copines alors ou bien c’est sur moi, il vont tout faire. Ils ne savaient pas que j’avais appelé mon partenaire qui était dans le bar qui est venu immédiatement me retrouver parce que j’avais payé déjà son carburant et il était sur écoute. Heureusement, il m’a aidé car il a menacé de les traduire en justice s’ils ne me payaient pas. Ils ont mis le paquet et je suis parti sans faire l’acte.

En plus des dangers physiques, il y a aussi les problèmes médicaux qui nous guettent. Il s’agit des maladies sexuellement transmissibles (VIH/SIDA, Hépatite B, etc.) Bien que nous utilisons toujours un préservatif et que nous refusons certaines choses que nos clients nous demandent comme les sucer ou de les laisser nous lécher, certains clients essaient toujours de nous traiter en enlevant le préservatif en plein acte ou en exigeant de faire des trucs très sales comme la sodomie. Cela nous rend vulnérable face aux infections, car on est parfois obligées de le faire contre notre gré. Mais puisqu’on sait que la maladie du SIDA existe, nous faisons beaucoup attention. Bref, la principale difficulté médicale que nous rencontrons souvent reste les IST.

Cependant, il n’est pas facile de se rendre régulièrement dans les services médicaux parce que nous sommes victimes de stigmatisation quand les gens découvrent notre métier. Mais on essaie tant bien que mal de nous en sortir face aux risques qui nous guettent.

Chacun vient avec sa chance

Je n’ai pas plus de chance que mes camarades. La chance, chacun de nous en a. Peut-être que la seule chose qui me différencie des autres, c’est parce que je n’aime pas marcher en groupe avec d’autres filles pour chercher les clients. On se rencontre quand même au bar, avant qu’on soit occupées par les clients. Et une fois au bar, on se sépare là-bas et chacun cherche ses clients par rapport à ses relations ou sa chance. Chacun a sa chance.

Il m’arrive parfois d’être violée

Si tout rapport sexuel, forcé, sans consentement, pratiqué hors de la convention est un acte de viol, alors il m’arrive parfois d’être violée. On peut dire à un client que c’est juste pour une heure et qu’il arrive à dépasser cela ; parfois même il refuse de donner la somme convenue ; parfois il force à faire des trucs dont vous n’aviez pas convenu. Tout ça c’est du viol.

La vérité est que la prostitution n’est pas une activité facile. C’est pourquoi je prie le bon Dieu de m’aider à quitter ce métier et aider surtout les filles qui ne sont pas encore rentrées de ne jamais se retrouver dans ce métier. Je ne peux pas dire que j’ai des regrets mais quand-même si je gagne aujourd’hui un métier qui me va plus que ça, qui est mieux que ça, je vais abandonner la prostitution.

Génération qui ose est une plateforme d’informations et de sensibilisation sur la santé de la reproduction des adolescents et des jeunes (SRAJ), de promotion de l’émancipation des femmes et de lutte contre les violences basées sur le genre. Ce projet est porté par l’Association des Blogueurs de Guinée (ABLOGUI) en partenariat avec le Fonds des Nations-Unies pour la population (UNFPA) et le ministère guinéen de la Jeunesse. Suivez-nous également sur les réseaux sociaux avec le hashtag #GquiOse.

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