Infections urinaires chez la femme enceinte : un danger souvent sous-estimé

Les infections urinaires font partie des affections les plus fréquentes chez les femmes, et encore davantage chez les femmes enceintes. Généralement provoquées par la bactérie Escherichia coli, elles peuvent atteindre différents organes des voies urinaires, allant de la vessie aux reins. Si elles semblent bénignes en apparence, elles constituent pourtant un véritable danger au cours de la grossesse.

Les spécialistes distinguent plusieurs formes. « Ce type d’infection passe souvent inaperçu, mais chez la femme enceinte, il est systématiquement dépisté car il peut évoluer vers des complications sévères », explique le docteur Mariama Conté, gynécologue.

  • La bactériurie asymptomatique : très courante, silencieuse, mais nécessitant un traitement immédiat.
  • La cystite : infection de la vessie qui entraîne brûlures urinaires, envies fréquentes d’uriner et parfois douleurs pelviennes.
  • La pyélonéphrite : forme la plus grave, atteignant les reins, se manifestant par de la fièvre, des frissons et des douleurs lombaires.

Aïssata Sylla, jeune femme enceinte de six mois, a récemment vécu cette épreuve. Les premiers signes ne sont pas passés inaperçus mais elle a ignoré pensant à autre chose. « Au début, je ressentais de petites brûlures en urinant. Je pensais que c’était juste la fatigue ou le stress lié à ma grossesse. Mais les douleurs sont devenues insupportables », raconte-t-elle.

Après consultation et analyses d’urine, le diagnostic tombe : infection urinaire. Mise sous antibiotiques adaptés à sa grossesse, elle commence à se rétablir. Mais à sa grande surprise, son mari Ousmane commence lui aussi à ressentir des douleurs similaires. « Il avait honte d’en parler, mais comme les brûlures persistaient, il est allé voir un médecin. On l’a diagnostiqué une infection urinaire également », confie-t-elle.

Cette situation a poussé le médecin à traiter le couple simultanément. Selon un soignant, même si l’infection urinaire n’est pas officiellement classée comme une infection sexuellement transmissible, des transmissions indirectes peuvent se produire. « Ce n’est pas une IST à proprement parler, mais dans certains cas, les bactéries peuvent être échangées entre partenaires. C’est pourquoi il est parfois nécessaire de traiter les deux en même temps », précise le docteur Patrice Kourouma.

Les risques pour la grossesse

Chez la femme enceinte, une infection urinaire mal soignée peut avoir de lourdes conséquences :

  • Accouchement prématuré : les contractions peuvent être déclenchées par l’infection.
  • Retard de croissance intra-utérine : les bactéries peuvent affecter le bon développement du bébé.
  • Hypertension de la grossesse : dans certains cas, l’infection chronique est un facteur aggravant.
  • Insuffisance rénale maternelle : rare mais possible en cas de pyélonéphrite non traitée.

« Beaucoup de femmes enceintes prennent à la légère une simple douleur en urinant. Pourtant, il suffit de quelques jours pour que l’infection s’aggrave et compromette la grossesse », avertit docteur Conté.

Des mesures simples de prévention

Les médecins insistent sur la prévention comme meilleure arme :

  • Boire au moins 1,5 litre d’eau par jour pour favoriser l’élimination des bactéries.
  • Éviter de retenir les urines et uriner immédiatement après un rapport sexuel.
  • Adopter une bonne hygiène intime en privilégiant des sous-vêtements en coton et en évitant les produits irritants.
  • Réaliser systématiquement les examens d’urine proposés lors du suivi prénatal.

Fatoumata Keïta, sage-femme dans une clinique de la place, explique : « Lors du suivi prénatal, nous insistons toujours pour que les femmes enceintes fassent l’examen d’urine. Même si elles ne ressentent rien, c’est une étape clé pour éviter des drames ».

Au-delà des cas individuels, la question des infections urinaires chez la femme enceinte pose un véritable problème de santé publique. Dans plusieurs localités, l’accès limité aux examens de laboratoire et aux traitements adaptés reste un obstacle majeur. « Beaucoup de femmes enceintes n’ont pas les moyens de faire une analyse d’urine à chaque consultation. Elles ne consultent que lorsqu’elles sont déjà dans un état grave », regrette docteur Conté.

Des campagnes de sensibilisation pourraient contribuer à réduire ces risques, précise le médecin : « Il faut rompre avec l’automédication et consulter dès l’apparition des premiers signes. Une simple brûlure peut cacher un danger sérieux ».

Face à ces dangers, les soignants exhortent les autorités sanitaires à agir sans tarder : intensifier la sensibilisation, renforcer le dépistage systématique et garantir l’accès gratuit aux traitements, afin de protéger la santé des mères et de leurs enfants.

Mohamed Diawara

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