La plateforme « La génération qui ose », dans sa mission de promouvoir la santé sexuelle et reproductive des adolescents et des jeunes, est allée à la rencontre du Dr. Elhadj Mamoudou Bah, gynécologue-obstétricien et enseignant à la Faculté de Médecine de l’Université Gamal Abdel Nasser de Conakry. Dans cette interview, nous avons abordé avec lui la question relative aux toilettes intimes des femmes…

Bonjour Docteur, merci de recevoir La génération qui ose. C’est quoi les toilettes intimes ?

C’est un sujet très important qui devient une préoccupation. Un vrai sujet de santé publique, parce qu’aujourd’hui chacun s’y met et prend comme il l’entend. Les toilettes intimes ou hygiène intime, c’est rendre propre ses parties intimes ; pour une définition simple pour la compréhension de tout le monde. Donc pour parler des toilettes intimes, c’est qu’il faut comprendre d’abord les recommandations. Elles jouent un grand rôle dans ce cas. Il y a des recommandations qui excluent l’hygiène au niveau des parties génitales. Surtout au niveau du vagin. Ce qu’il faut comprendre, l’organe génitale chez la femme, il y a la partie externe et celle interne. La partie externe, ce sont les grandes lèvres et les petites lèvres. C’est la partie vulvaire en un mot. Cependant, la partie interne commence par l’orifice vaginale et la cavité vaginale. Dans la cavité vaginale, il y a une partie de colle qui s’y trouve. Donc, les compositions ne sont pas les mêmes. Si vous prenez la partie externe, on peut conseiller à la femme de la nettoyer en respectant certaines normes, pas avec n’importe quel produit. Elle peut nettoyer les parties externes, la vulve et les grandes lèvres.

Quels sont les produits hygiéniques adéquats pour les toilettes intimes ?

Il faut faire beaucoup attention. Il y a trop de publicité autour des produits. Avant de parler des produits, il faut d’abord expliquer aux gens pourquoi il ne faut pas nettoyer le vagin. Il y a des bactéries qui vivent dans le vagin qui nettoie le vagin. Il s’auto-nettoie. Il y a des germes dans le vagin qu’on appelle des bassines d’audèrlaine. Il y a d’autres germes qui vivent là-bas qui sont saprophytes. Cependant le vagin a un pouvoir d’hydrogène (PH) permettant de maintenir l’acidité et l’alcalinité. Donc si cet équilibre est modifié, c’est que la femme est exposée à des infections. Parfois ça peut même aller à des infections graves qui peuvent même aboutir à des infertilité, voire même des stérilités.

Toutefois, il faut comprendre le processus. La femme de par sa constitution, la partie externe a besoin d’être nettoyée après, par exemple, quand elle urine, elle peut nettoyer la partie externe. Le matin quand elle se baigne, elle peut nettoyer la partie externe. Mais comme vous demandez des produits, c’est pas évident qu’elle utilise des produits pour se nettoyer. Elle peut se nettoyer avec de l’eau propre simple. Cependant, s’il faut utiliser des produits, il faut utiliser le savon que nous utilisons tous ici dont le pouvoir d’hydrogène (PH) est entre l’alcalinité et l’acidité . Le savon le plus conseillé , c’est le savon de marseille. Mais s’il y a une infection sur la partie externe, il y a des modifications qui s’installera à ce niveau. Des pertes que nous appelons des leucorrhées qui peuvent entraîner des grattages, parfois ça peut sentir. Donc la femme se dit, pour son intimité, elle a besoin de se nettoyer. Mais est ce qu’elle est dans une bonne logique ? Quand vous avez une infection, c’est pas en se nettoyant que vous allez lutter contre l’infection. C’est en consultant un médecin-gynécologue, parce qu’il y a différents types d’infections. Chaque type d’infection a des mesures spécifiques. Il ne faut pas se mettre à faire des toilettes abusives qui peuvent vous créer des problèmes. Surtout vous savez, chez nous, la pluparts de nos femmes, ont des problème à avoir des relations sexuelles. Le plus souvent, l’organe qui facilite la lubrification du vagin n’existe pas dans la majorité des cas. Donc ça fait qu’il y a une sécheresse vaginale qui s’installe et ça peut s’aggraver progressivement. Mais si elle se met aussi à nettoyer la partie interne, elle va tuer les bacilles de berles qui jouent un rôle de protection et facilite les rapports sexuelle par la lubrification du vagin.

Comment réussir sa toilette intime ?

Quand vous parlez de toilettes intimes, ça pose des problèmes dans ma tête. Je veux dire que le vagin n’est pas le visage. Faut pas le confondre. On ne peut pas confondre le vagin au visage. Si vous parlez des parties intimes, moi en tant que gynécologue, je dirais que la partie extérieure qui est visible peut être nettoyée pour la rendre propre. Mais la partie interne, quand parfois la femme sent qu’elle a des pertes, et que ses pertes sont malodorantes ou ça entraîne des légions de grattages, il ne faut pas aller acheter des produits chimiques et du savon pour se nettoyer, elle doit plutôt aller voir un gynécologue. Dire qu’il faut payer des produits pour venir se nettoyer, c’est faux. Beaucoup de nos patientes demandent souvent s’il faut nettoyer les parties intimes après les rapports sexuelle avec leurs partenaires, je leur dis « oui, la vulve, il faut la nettoyer mais la partie interne, on ne la nettoie pas ». Le vagin, on ne le nettoie pas. Souvent, les gens n’arrivent pas  à distinguer le vagin (qui a une niqueuse très sensible) des autres organes. Quand vous vous mettez à nettoyer le vagin, vous pouvez causer des infections qui entraînent un vaginisme, par exemple. Quand il y a une inflammation du vagin, ça peut entraîner des fragilités, voire plus…

Qu’est-ce qu’il faut nettoyer après les rapports sexuels ? Le vagin ?

Non ! On ne nettoie pas le vagin, j’insiste là-dessus. C’est juste la partie vulvaire qu’il faut nettoyer.

Après les règles, quelles sont les dispositions qu’il faut prendre ?

Toujours la même partie vulvaire qu’il faut nettoyer. Le vagin s’auto-nettoie, on n’envoie pas le doigt dans le vagin pour le nettoyer. Quand vous êtes infecté, c’est pas en envoyant le doigt dans le vagin que vous allez guérir. Mais au contraire vous aggravez la situation.  Il faut le retenir. En envoyant le doigt, même s’il est propre vous allez tuer les bacilles de berlin ; à plus forte raison si le doigt n’est pas propre. Donc il faut faire attention. On peut nettoyer l’orifice vulvaire, et il faut savoir nettoyer la vulve. Mais il faut se laver les mains proprement. La femme à des besoins comme tout le monde. Il y a les besoins physiologiques, il y a des défections, il y a les urines… Elle peut nettoyer avec l’eau propre la partie extérieure. Quand elle sens que la partie est aussi sale à ses yeux, elle peut mettre du savon et nettoyer sans avancer sa main dans la cavité vaginale. L’orifice du vagin ne se nettoie pas, ça s’auto-nettoie. Il y a des germes dedans qui nettoient et puis ça s’évacue.

Quels sont les conseils que vous donnez aux femmes dans l’avenir pour éviter ce que vous venez de décrire ?

La première des choses, il faut s’informer. Et c’est ce que vous êtes en train de faire. Il y a des informations qui circulent notamment sur internet qui ne sont toutes vraies parce que les gens ont envie de vendre leur produit. Donc il passe toute forme d’information. Il n’y  a pas de contrôle réel de qualité chez nous. Les gens font de l’abus. Ce qu’il faut retenir en matière d’hygiène intime, c’est que la femme a besoin d’être propre. Le fait de rendre la partie intime propre ne veut pas dire que vous êtes débarrassée des infections. Il serait mieux de consulter un gynécologue. Quand vous ressentez que vous avez des pertes malodorant ou ça a changé de couleur, il faut s’informer auprès des médecins surtout auprès des spécialistes en gynécologie. Mais il faut beaucoup faire attention pour ne pas faire l’abus de toilette intime parce que quand vous parlez de toilette intime, les gens pensent généralement que c’est de nettoyer le vagin. On ne nettoie pas le vagin. J’insiste vraiment là-dessus, pour rappeler qu’il s’auto-nettoie. Il y a des germes dans le vagin, des bassines berlines qui vivent là-dessus. Il faut maintenir l’équilibre de ce corps.

Quels sont les modes vestimentaires conseillés pour éviter les infections au moments des règles ?

Une autre préoccupation. Sur l’hygiène, il y a aussi la façon de s’habiller. Vous savez même en dehors des règles,  si vous portez des habits trop serrés ou des habits mouillés , vous allez faire que le pouvoir d’hydrogène (PH) va se modifier et les germes qui sont à l’intérieur vont être virulents. Ce qui peut donner des infections. Les habits serrés ne sont pas conseillés. Les caleçons en coton sont quant aux vraiment conseillés. Mais les strings, eux, ne sont pas conseillés. Parce qu’ils drainent les infections annales vers le vagin. Lorsqu’on le porte, il rentre directement au niveau de l’anus. Il y a des risques qu’on les retrouve plus tard dans le vagin. Souvent on s’aperçoit quand on fait des prélévement vaginale chez certaines femmes.

Pour finir, quels sont les conseils que vous pouvez donner aux femmes ?

Les conseils sont en rapports avec les causes. Si nous prenons les causes, c’est-à-dire les toilettes intimes avec les produits ne sont pas conseillées. Les toilettes vulvaires, on peut le faire avec l’eau propre et parfois avec les savons qu’on a l’habitude d’utiliser. Mais la vulve juste. C’est-à-dire la partie externe (visible), le vagin on ne le nettoie pas. Si vous sentez que le vagin est sale, ce qu’il y a une infection. Quand il y a une infection, la seule solution, c’est de consulter un gynécologue. Personne ne peut vous dire d’utiliser un produit parce qu’il n’y a pas un produit spécifique pour toutes les infections. Chaque type d’infection a une prise en charge spécifique. Ça ne se résume pas seulement à donner des médicaments. Cependant, il y a des facteurs qui favorisent les infections. Par exemple, les femmes qui utilisent les produits cosmétiques, surtout ceux qui sont constitués  de l’hydroquinone, sont souvent celles qui sont les plus infectées. Les femmes qui portent des habits serrés comme les collants en nylon sont souvent infectées elles aussi, à cause de la chaleur. Celles également qui introduisent leurs mains sales dans le vagin sont infectées. L’intimité, il faut savoir la faire. Il y a également des types de rapports sexuels qui ne sont pas conseillers. Par exemple, le rapport annal. Un homme qui met la main dans l’anus, il la sort et la mets dans le vagin, c’est pas normal, parce que cela peut infecter la femme. L’homme en réalité ne doit pas mettre la main dans le vagin. L’organe qui y est admis, c’est le pénis. C’est ce qu’il faut retenir. On n’a pas besoin de mettre autre chose dans le vagin. Il est un organe ovulatoire, c’est à dire il facilite les rapports sexuels, mais aussi il sert de passage pour les règles et faire passer le fœtus. Chaque organe a un rôle à jouer. En cas d’infection ce qu’il faut retenir, c’est d’aller voir un médecin dès que vous ressentez des signes inhabituels. C’est pas en achetant des produits dans les pharmacies en se basant du fait qu’il soit cité mondialement que vous allez vous traiter. Il faut faire attention. Et l’abus a toujours des conséquences. Vous savez quand le PH du vagin se modifie, il y a une acidité qui s’installe, il y a des mycoses qui se développent de telle sorte qu’elles entraînent des légions qui quittent le vagin jusqu’à la vulve. C’est ce qui fait que la femme est exposée à toutes sortes d’infections. Même lorsqu’elle rentre dans une toilette sale, toute suite elle prend des germes. Parce qu’il y a des micro-traumatismes au niveau vaginal. Il faut faire attention et consulter souvent les gynécologues qui ont des informations à partager. Je conseille aussi à beaucoup de nos collègues de faire attention à l’abus des  antibiotiques, parce qu’il modifie la flore vaginale. On demande à la femme parfois de payer des ovules, des antiseptiques et de mettre dans le vagin. S’il n’y a pas d’indication, on ne doit pas le faire. J’insiste sur le fait que chaque traitement à des indications. S’il n’y a pas d’indication, on ne traite pas.

Interview réalisée par Thierno Diallo, Bangaly Touré et Abdoulaye Oumou Sow

Génération qui ose est une plateforme d’informations et de sensibilisation sur la santé de la reproduction des adolescents et des jeunes (SRAJ), de promotion de l’émancipation des femmes et de lutte contre les violences basées sur le genre. Ce projet est porté par l’Association des Blogueurs de Guinée (ABLOGUI) en partenariat avec le Fonds des Nations-Unies pour la population (UNFPA) et le ministère guinéen de la Jeunesse. Suivez-nous également sur les réseaux sociaux avec le hashtag #GquiOse.

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